mercredi 7 décembre 2011

Un soir au Run : poids des mots, choc de la sono

Reportage Ouest-France.


Vendredi, le groupe No One is Innocent était au café cabaret. Une soirée rock alternatif, faite d'ambiance survoltée et de rencontres hasardeuses. Au Run, on vient un peu pour tout ça.On a testé


Comment raconter ça ? Un concert au Run ar Puns c'est... pfiou. Du lourd. Surtout quand, comme vendredi, les groupes envoient du décibel. Ça a déjà commencé fort avec les Doubles Elvis. Puis les No One. On nous avait prévenus : « Bon courage, ils font beaucoup, beaucoup de bruit. » Un fond de sirène de police, une lumière clignotante, ils arrivent sur scène. Ça donne le ton. Ok, alors si la salle était déjà chaude-chaude pour le premier groupe, elle pouvait en fait encore monter d'un cran.
Dix minutes de concert, le batteur a déjà tombé la chemise. Le chanteur s'y met aussi. Alors là... La gente féminine se manifeste bruyamment. Pour voir, les ouvreuses à l'entrée n'ont pas le choix : elles grimpent sur les tabourets. La salle est en délire.
Entre deux, on sort se vider les oreilles, dans ce corps de ferme. Le Run, c'est un petit îlot de poésie au sortir d'un rond-point. Ou une vieille maison à cheminée dans laquelle on se sent bien. On se retrouve entre amis, se parle entre compagnons de cigarette. Le public vient de partout. Un peu de Châteaulin, beaucoup de tout le Finistère ; et plus loin, encore.
Il y a le directeur entraîné là par son fils de 17 ans ; le commercial qui n'est pas venu depuis 20 ans ; l'encore-jeune de 30 ans qui se rappelle déjà sa jeunesse : « Je les écoutais quand j'avais 15 ans, j'adorais. Leur son a changé. » On refait le concert. On cherche les inspirations. On bifurque politique, on refait le monde. Ça part dans tous les sens. On n'est pas d'accord, et puis au final, si. « Quelle claque ! Quel son ! ; J'adore mais avec ses apartés politiques, il nous prend en otage ; super-découverte ! »
Au Run, le public vient pour le groupe, pour l'accueil, pour l'endroit, pour ces gens qui se rencontrent. Et ça recommence dès vendredi prochain, avec le Teufestival. Parfait.
Sibylle LAURENT.




Olivier Bellin attire l'Europe dans son auberge

Reportage Ouest-France


Ses deux étoiles, il les a gagnées à force de travail. Il attire, dans son bout du monde à Plomodiern,
une clientèle internationale. Et le chef ne veut pas s'arrêter là, avec un hôtel, à la mi-décembre.


Plomodiern, c'est là qu'il est installé. Un petit bout du monde niché près de la mer. Un début de dépaysement avec du grand bleu et du gris aussi. Loin de tout et pourtant, le monde vient chez lui, à l'Auberge des Glaziks. Ceux qui ont testé les dîners d'Olivier Bellin en parlent la voix mouillée. Comme d'un « voyage culinaire, une découverte de chaque instant. » Comment fait-il tout ça, de son bout de terre ? Il travaille. Dur.
Il court aussi, un peu obligé depuis qu'en 2010 il a décroché sa deuxième étoile. Son histoire, c'est lui qu'il l'écrit à force de travail, et il veut qu'elle soit belle. Olivier Bellin est revenu se poser là en 1998, à 27 ans, dans la maison familiale, après un tour de France. Est allé chercher les bonnes idées chez les bons chefs. Puis rapidement, a voulu travailler chez lui, pour lui. Décrocher jusqu'aux plus hautes étoiles. Il le dit, « j'ai tout sacrifié pour cela ». Ça a payé. Aujourd'hui il est passé « dans une autre dimension. » Alors il y a la pression, les contraintes. « Mais comme dans tous les sports de haut niveau. » C'est le jeu, il l'a voulu. Il a appris à parler aux médias, aux critiques. Leur vend sa région, en allant à Paris en vareuse à hermine ; vend son histoire.
« Investir intelligemment »
Il court et les clients accourent. À Plomo, l'Auberge des Glaziks attire toujours les locaux, noyau dur. Des Parisiens, aussi. Et maintenant, pendant les vacances, des clients de toute l'Europe. Que viennent-ils chercher, de si loin ? Bellin. Lui ne veut pas parler de génie, mais pas loin : « Quand on est deux étoiles, on n'est pas comme les autres cuisiniers. » Il a révolutionné le blé noir, réinventé le lieu jaune, la langoustine, y a mêlé des saveurs plus lointaines. Il cuisine risqué, inattendu, assemble terre et mer. « Ça plaît ou ça ne plaît pas. Je n'ai pas la prétention de faire l'unanimité. » Olivier Bellin se rassure avec la réalité : « On a commencé à deux avec ma mère, c'était un restau ouvrier. » Depuis 2008, sa mère s'est retirée ; mais hier, un dimanche soir d'automne il a fait 52 couverts.
Il court, il continue les projets, les contributions, son entreprise. Va ouvrir, à la mi-décembre, un hôtel. Huit belles chambres, à ambiance. « Je suis chauvin, ça m'énervait de voir les clients aller ailleurs, je voulais les garder dans le coin. » Ça paraît fou ? Pas pour lui. « C'est une évolution. La maison a toujours pris le temps de réfléchir, d'investir intelligemment. » Certains le penseront un brin mégalo, lui se veut combattant. Il sait qu'il n'est pas arrivé là par hasard. Sait aussi les revers possibles. « Plus on avance, plus c'est compliqué. On peut se casser la figure. »
Il court, partout. Mais du mercredi au dimanche soir, il est dans ses cuisines, à Plomodiern, il y tient. « Là est ma force. Le jour où je ne serai plus dans ma cuisine, ça deviendra dangereux. »

Calendriers des pompiers : la saison a commencé

(Article Ouest-France)

Avec la fin de l'année, arrivent les tournées de calendriers. L'occasion pour les pompiers d'approcher les habitants. Et souvent, de partager un moment d'intimité, autrement que dans l'urgence.


Reportage
Ça commence toujours comme ça : « Bonsoir, c'est les pompiers, pour le calendrier ! » Stéphane Scornec, pompier, en sourit : « La présentation est assez sommaire, mais ça suffit ! » Ça suffit, oui, parce que ça continue comme ça : « Ah, les pompiers ! Entrez ! »
Ce vendredi, 18 h 30, Stéphane commence sa tournée de calendriers. Passé chercher sa sacoche en sortant du boulot, au centre de secours. Et attaque rue Jakez-Riou, derrière la gare. Il fait déjà bien nuit, un vendredi gris. Dans la rue, les volets sont fermés, les barrières poussées.
Le coin, il connaît. « On se partage les rues par secteurs, on a souvent les mêmes. On finit par connaître les gens. » Mieux vaux connaître en effet. Ne serait-ce que pour, dans le noir, trouver l'entrée : « C'est pas toujours facile. Là par exemple il faut passer par le jardin. » En fait trompé. La porte était dissimulée sur le côté. Il sonne. Se pointent trois museaux intéressés : « Oh, vous avez le calendrier ? » S'en saisissent, tandis que le papa va chercher ses billets. Discussion vite engagée. « Alors vous avez déjà commandé les jouets de Noël ? » Oui, oui. Le père revient. On parle du temps. « Encore doux, pas trop froid, ça va encore. » Se quitte sur un « bonne nouvelle année ».


JT et problèmes de santé


Maison d'à côté, toute fermée. Un volet s'entre-ouvre, un bout de rideau se lève. Le propriétaire sort, casquette et bretelles : « 10 €, ça va ? » Un silence, puis enchaîne : « Madame est à l'hôpital... Les jambes qui ne vont pas... Partie 4 jours après son anniversaire. » Stéphane écoute, le sourire, toujours. C'est que les soucis de santé, ils en entendent souvent parler, les pompiers. « Les gens savent qu'on travaille là-dedans, alors ça revient souvent. » Un petit moment, et puis continue la tournée.
Parfois, c'est sur le palier. Plus souvent, est invité à rentrer. Un petit tour dans l'intimité d'un quartier. Un hall, une salle à manger, des assiettes prêtes devant la télé... Les billets sortent d'une enveloppe au fond d'un placard, d'un porte-monnaie ou d'une poche en même temps que la conversation s'engage. On refait le monde sur le coin de la table de cuisine devant le JT qui a commencé. « Il y a souvent des personnes âgées seules. Surtout dans les secteurs ruraux. Là, elles sont contentes de nous garder, de discuter. Et c'est sympa de leur apporter un peu de réconfort. »
Ding-dong. Encore une personne âgée. Ou plutôt une mamie. Une mamie toute apprêtée pour la nuit, en robe de chambre fleurie, et sa petite fille à côté, qui vient passer la soirée pour regarder la télé. « Entrez, quand il fait nuit d'habitude je n'ouvre pas, mais là... ! » Sort son porte-monnaie : « Faites voir... Le papa de Coline, il est toujours sur le calendrier ? »
Plus loin, ce sont les problèmes du chien qui font causer. Le chien qui se traîne, il est vrai, un peu sur le carrelage. 15 ans et demi, aussi, il est fatigué. Un chien aussi, dans la maison d'après. Madame est pressée, monsieur a plus envie de parler. De son ancien métier, gendarme retraité, de l'isolement dans les grandes villes. L'isolement, qui revient, dans ces maisons allumées par la télé. Pour ça que ça fait du bien d'un peu parler.

lundi 21 décembre 2009

2000-2010 : l'ère de l'information en temps réel


La décennie passée est définitivement celle de l'accès pour tous à une information mondialisée, de plus en plus rapide. Les performances d'Internet sans cesse améliorées, le web 2.0, les blogs, Facebook, Twitter, l'internet mobile et l'IPhone… expliquent ce phénomène. Retour sur 10 ans de course à l'information.

l faut aller vite, toujours plus vite. Tout savoir tout de suite sur tout. A l'heure du haut débit, de Twitter et de l'iPhone, ne pas avoir à la minute les derniers rebondissements de l'attentat au Pakistan ou la énième bourde d'un ministre du gouvernement parait incongru. En 10 ans, beaucoup de choses ont changé : les évolutions technologiques (haut-débit, wifi, internet mobile) ont permis à tous un meilleur accès à internet; ces évolutions se sont répercutées sur les habitudes du lecteur; les journalistes ont dû également s'adapter à évolution et repenser leur rôle. Retour sur une info à trois voix et décorticage de chacune d'entre elles.
Sur ces dix dernières années, les avancées d'internet et du temps réel se lisent surtout à travers les grands évènements internationaux et la réactivité de plus en plus grande dont fait preuve le réseau.

Les débuts de l'information mondialisée


- 11 septembre 2001, l'effondrement des tours du World Trade Center
Les débuts des sites d'information sont un rien cafouillants. On pourrait croire que la date, historique, de l'effondrement des tours jumelles consacre l'avènement des sites d'informations sur internet comme première source d'information des lecteurs, avides d'informations réactives. Or, il n'en est rien. Ce jour-là, ce sont les journaux et la presse audiovisuelle qui battent des records d'audience. Les sites internet, eux, ne sont pas à la hauteur de cet évènement planétaire. Leurs premières limites sont d'abord des limites techniques. En effet, beaucoup sont en panne, "plantés" face au trop grand nombre de connexions. Les autres offrent une ou deux pages, un article et quelques photos… Trop de réflexes de journalistes-papiers, pas assez de réactivité… piètre bilan. Mais il y a une attente du public, les éditeurs en ont conscience. Manquent, encore, les moyens techniques.

- 11 mars 2004, les attentats de Madrid dans des trains de banlieue
C'est la période de rodage. A cette occasion, la plupart des sites internet battent des records d'audience, surtout en Europe. Le trafic est devenu fluide, les journalistes mettent en ligne des contenus qui leur sont propres : cartes, animations dynamiques, graphiques, forums, tchats, qui remplacent les seuls textes et photos. Les sites espagnols El Pais et El Mundo proposent très rapidement des animations, reprises partout dans le monde. Les sites sont à présent suffisemment équipés et rodés pour rivaliser avec les éditions papier et télévisuelles.

- Les attentats dans les transports londoniens le 7 juillet 2005 marquent en quelque sorte la consécration des sites d'information comme médias à part entière, fournisseurs de contenu et non plus simples relais.
Les internautes anglais, américains et madrilènes se ruent sur le réseau. "Internet assume là toutes les attentes : la puissance intéressée des Etats-Unis, l'émotion de la capitale qui a été la cible précédente et le besoin d'information locale", écrivent Bruno Patino et Eric Fottorino dans Une presse sans Gutenberg. Non seulement le trafic est intense sur le réseau, transportant un contenu diversifié, mais une frontière tombe : celle du journaliste et de son audience. En effet, sur les lieux de l'attentat, les témoins ont dégainé leurs portables, et envoient photos et messages grâce à leurs écrans et leurs claviers. Quelques minutes après l'explosion, la BBC reçoit déjà des images du public, en a 50 en une heure. En 24 heures, 20.000 mails, plus de 1000 photos, et 20 vidéos utilisables sont envoyés. Télévisions et quotidiens reprennent ces contenus. Internet devient "à la fois contenu, canal de diffusion, centre d'archives mis à jour en continu et lieu de débats", poursuivent les deux auteurs.


Le poids politique du média Internet


Désormais, l'information circule donc beaucoup plus vite avec la toile. La diffusion des idées ne passe plus nécessairement par les médias traditionnels. L'apparition et la multiplication des blogs, les sites de "journalisme citoyen", permettent à chacun de donner son avis. Les médias ne font plus l’agenda de l’information seuls, mais doivent en partager le rythme avec "la communauté des internautes". Le réseau devient un contre-pouvoir, jusqu'à bouleverser les campagnes politiques.

- 29 mai 2005, référendum français sur la constitution européenne.
Alors que la plupart des journaux papiers militent ouvertement pour le "Oui", le résultat est inattendu : 54,68 % des électeurs votent "non". Et Internet a joué un rôle important dans cette campagne contre le traité. Avec 28 millions d'internautes en France, la toile peut en effet faire pencher la balance. L'Humanité rappelle qu'un enseignant, Etienne Chouard, proposait un texte argumentatif critiquant le projet de constitution européenne. A raison de 30.000 consultations par jour, peu de temps avant que le million d'internautes ne soit atteint.

- En 2007, Internet joue également un rôle dans la campagne pour la présidence française de Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Les candidats sont obligés de se conformer à l'accélération du temps médiatique. Ils doivent, eux aussi, aller de plus en plus vite. Et pour essayer de contrôler l'information sur la toile, créent leur propre site. C'est www.desirsdavenir.org pour Ségolène Royal, www.sarkozy.fr ou encore www.bayrou.fr.


Vers l'info-Buzz


Internet, c'est aussi, croit-on, le règne de la transparence. Off, petites phrases, rumeurs, rien n'est interdit sur internet. Plusieurs affaires sortent sur la toile, s'enveniment facilement en polémiques, ou en règlements de compte. Les sites de vidéos en ligne, Youtube et Dailymotion, cartonnent et offrent une nouvelle dimension à l'information citoyenne.

- La campagne présidentielle américaine de novembre 2008
Internet n'a jamais autant été utilisée pour propager les idées – et les coups bas - que pendant la campagne qui a opposé Barack Obama à John McCain. Des vidéos suggestives comme Obama Girl et les clips embarrassants du révérend Wright sont relayés sur internet. De même que les petites phrases et les rumeurs assassines : John McCain ironise sur Barack Obama, "la plus grande célébrité du monde", et le compare à Britney Spears et à Paris Hilton dans un clip de campagne, le site de la chaîne Fox news évoque des rumeurs affirmant que Barack Obama est musulman, Hillary Clinton qui se souvient avec émotion de sa visite en Bosnie-Herzégovine sous les bombes fait l'objet de pastiches sur internet. Obama va jusqu'à créer un site fightthesmears.com, "combattre les salissures", pour démonter les rumeurs qui circulent sur internet.

- Car Internet inaugure l'ère du buzz. N'importe quelle information, surtout si elle est dérangeante et non destinée à une diffusion publique, peut circuler longtemps sur la toile et connaître un petit succès médiatique. Et impossible de l'arrêter ou même de la freiner sur ce réseau organisé en "grappes", décentralisé. Au contraire même, qu'un médi de masse comme TF1 ignore un tel buzz contribue au final à accroître sa propagation.
En France, citons quelques inoubliables : Alain Duhamel qui confesse son vote bayrouiste ; Ségolène Royal qui confesse son mépris pour le travail des professeurs ; Nicolas Sarkozy et son désormais célèbre "Casse-toi pauvre con" ; Patrick Devedjian qui traite Anne-Marie Comparini de "salope". Toutes ces vidéos ont une trajectoire semblable : elles sont postées en ligne, y circulent, avant qu'un journaliste ne les fasse passer de l'espace numérique à l'espace médiatique.

- Septembre 2009, Brice Hortefeux et les Auvergnats
Les vidéos polémiques s'enchaînent et les buzz se ressemblent. Un tournant est néanmoins à noter, estime Nicolas Vanbremeersch de Slate.fr, avec la vidéo de Brice Hortefeux. Celle-ci, en effet, n'a circulé nulle part sur le réseau avant d'apparaître en une du Monde.fr . Quelques heures et un emballement sur le site de micro-blogging Twitter, elle fait la une des chaînes télés. Parce que le déferlement a été plus rapide que tous les précédents, parce que le sujet – le racisme – est sensible, la réaction politique est également très violente. Au lieu de la molle condamnation habituelle des politiques, tous les hommes publics s'élèvent unanimement et les appels à la démission se multiplient.

2007-2009 : twitter, l'info en live


La révolution twitter, c'est la révolution dans le traitement rapide de l'information par les médias. Encore plus réactifs que les sites d'information, le site de miccro-blogging twitter. Twitter, né en 2007 aux Etats-Unis et découvert un peu plus tard en France, marque l'émergence d'une nouvelle dimension de l'information sur le web. Benoît Raphaël, rédacteur en chef du site participatif Le Post le définit comme suit : twitter, c'est "le live, évidemment, mais surtout le live en réseau, forcément participatif, une sorte de wikipedia du live". Avec 40 millions de visiteurs chaque mois, Twitter rend le partage en ligne de plus en plus facile. "Avant, il fallait faire un blog, un site, écrire des notes, aujourd'hui, en mettant à jour son état, on transmet énormément de choses", explique Loïc Le Meur, blogueur renommé.

- Les attentats de Bombai en novembre 2008 montrent l'utilité de ce réseau d'échange : les internautes sur place twittent en temps réels leurs ressentis ou leurs témoignages, les dernières actus, comme ce twitt écrit de l'intérieur même de l'hôtel : "Mumbai terrorists are asking hotel reception for rooms of American citizens and holding them hostage on one floor" ( CNN ). LiveMint.com, site d'un journal économique indien, indique que sur "twitter [pendant les événements] entre 50 et 100 messages par minute étaient chargés et taggés sur des chaînes comme "mumbai", "#mumbai". Idem sur Facebook, où des groups "Mumbai Terror Attacks : I condemn it", ou "In memory of all those who died in the 26th-27th november MUMBAI massacre…" se créent et alignent rapidement le millier de participants. Information, commentaires, tout s'échange en temps réel.
Laurent Suply, journaliste au Figaro qui avait couvert les attentats de Bombay, explique sur son blog que Twitter est devenu indispensable : "Rien, à ma connaissance, ne va sur cette Terre plus vite que Twitter. Ni moi, ni les télés, ni les agences. Moi, je digère, je synthétise, je vérifie, je source, je linke, ça prend un peu de temps. Les télés vont souvent très vite, et leurs infos sont souvent reprises sur Twitter, mais elles n'émettent qu'un message à la fois" se réjouit-il.

- Le jour de la fusillade de Winnenden, le 11 mars 2009, France24 annonce que la chaîne a pu, grâce à Twitter, "trouver un témoin sur place en 52 minutes" (twitterlocal, application pour trouver des témoins rapidement) ; les journalistes twittent en temps réel, comme lors du procès Clearstream.

- Les manifs iraniennes en juin 2009, le tournant

Réactivité extrême, conversation mondiale, twitter montre qu'il est indispensable là où les autres médias montrent leurs limites. En effet, la après sa réélection contestée,le président Mahmoud Ahmadinejad verrouille le régime. Les téléphones portables sont bloqués, Facebook et d'autres réseaux sociaux sont inaccessibles, échanger des SMS est impossible, les cartes de presse sont invalidées pendant 48h, les journalistes sont expulsés. Twitter devient alors une source d'information privilégiée des médias occidentaux. Le New York Times affirme même "l'échec de CNN" : "La révolution ne sera pas télévisée, elle sera twitterisée".

- Décembre 2009. Toujours plus rapide.
Le géant d'internet Google annonce être en train d'améliorer son moteur de recherche pour apporter des réponses "en temps réel", grâce à des résultats croisés avec les sites de socialisation Facebook, MySpace et Twitter. "Les internautes obtiendront des résultats au moment même où ils sont produits", annonce un ingénieur du groupe, Amit Singhal.

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> Le journaliste, en pleine crise existentielle
> Le lecteur 2.0 devient informé, infidèle et bavard

Sibylle Laurent - Nouvelobs.com

Le lecteur 2.0 devient surinformé, infidèle et bavard


Participant et échangeant sur tous les supports média, connecté en permanence à des sources multiples, c'est le nouveau profil de l'individu en 2010. Exit le papier, bonjour le haut débit et le téléphone portable.


En 10 ans, les habitudes et consommations des lecteurs avides d'information ont bien changé. Haut débit et le téléphone portable y ont grandement participé. Et, forcément, l'internaute a accès à une masse énorme d'information, à laquelle il est connecté tout le temps. Le lancement en 2007 de l'iPhone, permettant accès à internet en toute circonstances, puis à l'Iphone 3GS en 2009 qui permet, en plus, de ne pas attendre. C'est l'invasion. Plus de 25 millions d'iPhone vendus dans le monde à l'heure actuelle, 600.000 en France, 20 millions de Blackeberry.

Le lecteur se construit "son" journal, présenté en "kit"


L'offre d'information est d'ailleurs pléthorique, avec les sites d'information gratuits sur internet qui apparaissent à la fin des années 1990 et prennent leur envol au début des années 2000 ; c'est aussi l'accès à 14 chaînes de télévision gratuites lancées en 2005 avec la TNT, les chaînes d'information en continu i-Télé ou BFM tv ; puis dans la foulée, journaux gratuits – Métro et 20 minutes lancés en 2002…
Face à cette masse énorme d'information à laquelle il a accès, l'internaute trie, sélectionne ce qu'il veut.
C'est ce qu'explique Jean-Marie Colombani directeur du Monde en 2005 : "Dans le Net, c’est l’internaute qui construit son usage, ce sont les lecteurs du Net qui construisent leur média. (…) Le journal devient une plate-forme de sélection de l’information qui va circuler dans différents supports". Alors qu'avant le lecteur recevait un "package" avec le journal papier, il doit aujourd'hui se construire "son" journal, comme un "kit à monter soi-même".
Car l'internaute est unique maître de sa navigation et décide seul de la succession de pages et de liens qui font son parcours sur la toile. Chacun n'attrape que des bribes de l'information pour se bâtir un récit cohérent. "Il y a en même temps ressassement - la même information saisie sur plusieurs chaînes-, hétérogénéité - des bribes d’information diverses non coordonnées-, ruptures - passage d’un thème à un autre- , télescopages -mise ensemble, parce qu’ils sont consommés successivement, d’événements sans lien entre eux", explique Marc Lits, de l'Observatoire du récit médiatique.

Le lecteur ne lit plus les pages, il les scanne


La manière de lire l'information est, elle aussi, nouvelle : sur internet, l'audience vole d'une interface à l'autre, au gré des tentations d'une image, d'un titre ou d'une citation. Le lecteur scanne les pages. L'étude Eyetrack, menée à San Fransico en 2004, montre que l'œil de l'internaute fait des ronds sur la page d'accueil d'un site, en se déplaçant comme s'ils suivaient le dessin d'une spirale. Qu'il s'en tient aux premiers mots dans un titre, et scanne une partie du texte au lieu de déchiffrer réellement chaque mot.
Toujours dans l'urgence, le lecteur multiplie les sources, croise les informations, arbitre son temps. Forcément, la traditionnelle fidélité que pouvait avoir l'individu avec son journal ou à sa radio, disparait sur internet. L'internaute n'hésite pas à consommer plusieurs supports.
Une versatilité bien traduite par les chiffres d'audience : le lecteur en ligne passe ainsi 15 minutes par mois sur Le Monde.fr, 13 minutes pour LeFigaro.fr, 11 minutes sur 20minutes.fr ou Libération.fr, indique l'institut Nielsen Médiamétrie. Un bémol cependant pour l'équipe, avec 38 minutes mensuelles.

Le lecteur devient "citoyen reporter"


Autre révolution de ces dix dernières années, le lecteur, surinformé, devient également une source d'information et peut désormais prendre la parole. Les médias ne font plus en effet l'information seuls, ils doivent en partager la formation avec " la communauté des internautes" . Exemples magistraux du web participatif, dit web 2.0, avec le réputé Wikipedia créé en 2001, dit "encyclopédie gratuite que n'importe qui peut éditer", qui dans sa 4e année compte près de deux millions et demi d'entrées rédigés dans une centaine de langues. Et la bagatelle de 80 millions de visites quotidiennes ; autre exemple encore, avec le site OhMynews, créé en 2001, site sur lequel les "citoyens reporters" fournissent les 4/5 du contenu. "Chaque citoyen est un reporter", slogande son inventeur, partant du principe que "les journalistes ne forment pas une race exotique, chaque personne qui a une information à raconter et souhaite la partager avec d'autres en est un". Le lecteur devient de plus en plus compétent dans la recherche d’information, comme dans son traitement et sa restitution ; compétences autrefois l'apanage du journaliste. La communauté des internautes s'affirme.

Blogs, journalisme citoyen, le lecteur devient bavard


Plusieurs évènements d'envergure planétaire, comme le tsunami de 2004 en Asie du Sud est ou la tornade Katrina en 2005, permettent à chaque citoyen de se sentir pourvoyeur d'information à part entière. En effet, lors de ces évènements climatiques, les journaux n'ont pas eu le temps d'envoyer sur place des correspondants. Par contre sur place, habitants, témoins prennent des photos et filment. Bien souvent, ces images prises par des vidéastes amateurs seront utilisées par les médias pour retranscrire les évènements. Et seront d'autant plus regardées qu'une partie du public a le sentiment qu’elles dépeignent mieux la réalité que les journaux télévisés, trop partiaux ou trop aseptisés.
Le journalisme participatif explose, à son apogée avec la naissance de la blogosphère. Chacun peut publier son information, rendre publique son opinion. Au printemps 2006, le nombre de blogs dépasse les 60 millions.
Autre fait marquant en 2005-2006, la vidéo en ligne qui s'impose grâce à l'accès élargi à la haute vitesse et le partage rendu facile par Youtube. Ce site de partage de vidéos s'installe d'ailleurs, avec MySpace, au premier rang du trafic de sites communautaires. Dans la foulée, émergent les réseaux de socialisation, Facebook et Twitter. Avec respectivement 350 millions d'inscrits en novembre et 40 millions de visite par mois, ces sites d'échanges et de partage confortent l'installation d'une communauté d'internautes, qui réagit et fournit des informations. Ainsi, lorsqu'un avion se pose dans l'Hudson River à 15h28, Twitter dégaine plus vite que CNN : un témoin capture la scène à l'aide de son portable, la met en ligne et une heure après, les récits sont partout.

Exit les journalistes ?


Le Time magazine consacre les internautes "person of the year" en 2006 (DR)
Internet permet ainsi à chacun de s'autopublier et de lancer ses informations. Pour le chercheur Yannick Estienne dans Le journalisme après internet, un double mouvement s'instaure : "la professionnalisation du lectorat et la déprofessionnalisation des journalistes". En effet, le lecteur devient de plus en plus compétent dans la recherche d’information, comme dans son traitement et sa restitution, "des compétences qui relèvent traditionnellement du travail des professionnels de l’information : recouper, vérifier, creuser les informations diffusées par la presse ou par d’autres sources d’informations".
En 2006, consécration suprême, le Time Magazine consacre les internautes "personnalité de l'année". Via les blogs, les web 2.0, Youtube, Wikipedia, ils sont présentés comme générant du contenu sur internet.
En effet, ce n’est plus seulement le média qui décide aujourd’hui de ce qui est légitimement regardable mais la communauté des internautes auprès desquels les médias ne sont que des pourvoyeurs d’infos occasionnels.
Le journalisme est-il en danger, à la fin de cette décennie ? Pas si sûr. Ainsi les blogs, qui un moment ont véhiculé le mythe d'une production égalitarisée de l'information, et passé une période de vif engouement, semblent souffrir d'une moindre vitalité. De même, il apparaît que les vidéos amateurs en ligne sont peu regardées et surtout, ne sont pas rentables. Une étude de The Diffusion group montre que les vidéos personnelles représentent en 2008, "42 % des vidéos streamées sur Internet, mais générer seulement 4 % des recettes. Au contraire, 58 % des vidéos streamées seront des vidéos “professionnelles”, et celles-ci devraient générer 96 % des revenu".
La valeur et l'intérêt du contenu généré par les internautes n'est bien entendu pas remis en cause mais trouve, peut-être là ses limites. Les clés du succès demeurent encore entre les mains des grands médias et des professionnels.

> A lire aussi Le journaliste, en pleine crise existentielle

Sibylle Laurent

Le journaliste, en pleine crise existentielle


Sous les huées de ceux du "papier," les pionniers du web journalisme remettent en cause les bases du métier. Nouvelle manière d'écrire, de traiter l'information, jusqu'à la typographie et au concept même de la page web.


Déconsidéré, le journaliste web ? Allons donc. Pendant un moment, la blague a bien tourné sur les open-space des sites web des grands journaux. Les web journalistes, ce sont des "ouvriers spécialisés" de la presse, des "forçats" des médias, des pakistanais du web, et leurs rédac-chef des "négriers". Elisabeth Levy et Philippe Cohen synthétisent à merveille cette autodérision dans "Notre métier a mal tourné" : "Ne dites pas à ma mère que je travaille sur le web, elle croit que je suis journaliste." Avec internet, arrivent en effet de nouvelles rédactions au sein des journaux papiers, pour alimenter les sites d'information qui se lancent à la fin des années 1990 - 1995 pour Lemonde.fr, 1999 pour Nouvelobs.com. A nouvelles rédactions, nouvelles règles et nouveaux commandements.

Nouveaux concurrents, agrégateurs et blogeurs tu affronteras


C'est que le journaliste doit en 2009 affronter de multiples concurrents. En premier lieu, les puissants logiciels tels Google et les agrégateurs de flux RSS. Ainsi le site Google News, lancé en 2002, devient rapidement très populaire. C'est l'efficacité du journal sans journaliste. En effet, sur ces sites, le processus d'éditorialisation est entièrement automatisé. "Les informations aspirées sur les sites répertoriés sont triées par thème et par pertinence puis hiérarchisées en fonction de l'importance que leur accorde le site de base. Un must d'objectivité, pour le directeur commercial de Google France : "Absence d'intervention humaine, forcément idéologique, combinée à la multiplicité des sources, accessible grâce à l'ordinateur, confère à Google une véritable objectivité". Wanadoo, Aol, Yahoo.fr… Tous les portails ont passé des contrats avec des agences de presse, type Reuters, l'Associated press, ou l'AFP. Et disposent, à moindre coût, d'une quantité importante d'information.
Moins objectif, mais tout aussi concurrentiels pour le journaliste, les blogueurs, véritables pourvoyeur d'information qui rassemblent eux aussi leur lecteur et diffusent leurs idées. Chacun peut être journaliste. Autant dire que le rôle du journaliste en prend un sacré coup.
"Parce que les sources sont beaucoup plus multiples et moins fiables, et parce que chacun y a accès au même titre que le journaliste professionnel, qui perd sa fonction de “maître des sources”, explique Marc Lits, de l'Observatoire du temps médiatique.
Les journalistes Bruno Patino et Jean-François Fogel ne disent pas autre chose dans La Presse sans Gutenberg : "Descendu de son piédestal de "médiateur obligé" entre l’audience et l’information, le journaliste se retrouve sur internet au beau milieu d’une arène où se croisent son audience comme ses sources, dans un déferlement continu".


Sur le "tout à l'égoût" tu travailleras


Pour garder sa spécificité, le web journaliste a dû réinventer son métier. Pas forcément facile pour ce média perçu par les jeunes embauchés comme un bon "sas" d'entrée dans le journalisme. Car ce métier est jeune, aux contours flous, et parfois hybride, mêlantcertaines fois des dimensions techniques, éditoriales ou commerciales. Le statut moins important que celui du glorieux journaliste papier s'illustre dans de petits détails : les locaux, les salaires, proximité avec la direction…
Car les sites d'information sont pointés du doigt, souvent au sein même de leur entreprise de presse. Les "anciens" médias mettent en cause "le tout à l’égoût" d’internet, illustre le fossé qui se créé enntre ceux qui sont "branchés sur les nouveaux médias", en comprennent le fonctionnement et le rapport transformé au public qu’ils impliquent, et ceux qui ne veulent pas "lâcher le contrôle" et tentent de garder la main sur un processus qui leur échappe. C'est ce dont témoigne Narvic, "penseur d'internet", sur son blog Nonövision.


Connecté aux agences de presse tu resteras


De l'intérieur, ces rédactions internet ressemblent à "un open space, une série d’écrans d’ordinateur branchés sur le fil de l’Agence France Presse derrière lesquels de jeunes journalistes, scotchés à leurs sièges, tapent frénétiquement sur les claviers. Organiser, réécrire, hiérarchiser, titrer, chapôter, trouver une illustration : ici on ne cherche pas l’info, on la rend intelligible", résume le journaliste Simon Piel qui dresse un état des lieux sur Bakchich.
Réactivité et immédiateté obligent, le statut du journaliste à l'heure d'internet a changé. Terminé le terrain et les enquêtes, les web journalistes, cloîtrés dans leurs rédactions et alimentés par les agences de presse, créent peu de contenus par eux-mêmes mais en font circuler beaucoup. "L’essentiel du travail d’éditorialisation du journaliste Web consiste à sélectionner et à hiérarchiser l’information fournie par le support original, les agences de presse et les partenaires ou sous-traitants", décrit le chercheur Yannick Estienne dans Le journalisme après internet. Donc pas de réel travail d’écriture ou de production d’articles.

Accrocheur, court et simple tu écriras


Le support internet, s'il créé un nouveau journaliste, change également la manière d'écrire, de titrer, de légender, de mettre en page, de l'illustrer. Car il y a une écriture web. Dans cette culture du zapping, un seul but : retenir l'internaute qui n'a plus le temps de lire. Pour cela, écrire plus court, plus accrocheur.
Lors de la rédaction de son article, le journaliste web se trouve donc face à une pléiade de commandements, qu'il doit prendre en compte. Organiser son contenu, écrire concis, contextualiser, mettre la page en relief, utiliser l'hypertexte sont quelques unes des consignes. Mais il doit également s'assurer que son article va être correctement référencé dans les moteurs de recherche : placer des mots-clés, penser multimédia et dynamique. Et surtout, surtout, le journaliste doit faire court. Du vocabulaire simple, concret, des petits paragraphes… Rien de trop compliqué pour ne pas faire fuir le lecteur.


Toujours plus rapide, tu seras


Et enfin, il faut être rapide, c'est le b-a-ba de l'information sur internet. Illustration avec Twitter, dernière marotte des rédactions et des journalistes internet qui ne jurent que pas ce site de miccro-blogging. Lors des attentats de Bombay en 2005, le journaliste du Figaro Laurent Suply, expliquait sur son blog comment Twitter est devenu indispensable, permettant à l'information d'aller "très très vite".
Le journaliste-twitter, c'est même un nouveau modèle pour Benoit Raphaël, rédacteur en chef du site communautaire Le Post : "Sur Internet, le journalisme de liens (qui trie et donne du sens) est une vraie fonction d'info".
Quand tout ca "très très vite", cela donne souvent une course à l'information et aux petites phrases, un règne du buzz qui peut faire faire de faux pas à une profession dont la crédibilité est déjà bien entamée. Car le revers de la médaille, c'est l'uniformisation des informations, qui privilégie l'émotion et les réactions mais très peu l'analyse. "Actuellement, pour la plupart des journalistes, le sommet de l’information consiste à couvrir l’événement pendant qu’il se produit, parfois avant même qu’il ne se produise", explique Marc Louvain, dans L’information à l’heure numérique ou la fin du récit médiatique ?

Le buzz et l'émotion, tu privilégieras


Un internaute témoigne encore dans un commentaire :"Ce qui me fait sortir de mes gonds, c’est une sorte de frivolité qui fait buzzer à tout va des non-informations. Il y a une sorte de glissement de l’info, de la réflexion, de l’analyse (qui sont du journalisme journalistique mais aussi citoyen) vers le rire gras ... On ne va pas au fond, on ne pense plus, on ne donne plus à penser. On partage et on échange du rien".
Ce journalisme de l'immédiateté et de l'émotion n'a "aucun intérêt" estime sur son blog le journaliste Alain Joannes, qui se pose en contrepoint : "Les contenus des blogs sont d'une parfaite banalité", raconte-il. "Souvent, d'ailleurs, les "articles" des "journalistes" citoyens se terminent par "...alors, on a allumé la télé pour savoir ce qui se passe." Pour lui, "on peut reprocher beaucoup de failles et de travers aux journalistes - je ne m'en prive pas - mais le fait est que le "journalisme" citoyen est incapable de donner du sens à un évènement soudain comme la tragédie de Bombay ou à un phénomène complexe comme la crise financière".

Les internautes, tu écouteras


Pour l'instant encore entièrement dépendant des fils de dépêches et non rentable, le journalisme sur internet cherche encore, en effet son modèle. Et surtout, la position du journaliste au sein de ce média qui apparemment n'a plus tellement besoin de lui. Quel rôle du journaliste à l'ère du buzz ?, demande Narvic. Pour lui, les journalistes web doivent quitter leur position de "surplomb" et se "plonger dans les réseaux, accompagner les internautes".
C'est ce qu'ont essayé de faire les sites d'information pure-players - non-adossés à un magazine-, qui se veulent l'incarnation d'un nouveau journalisme. Ainsi, Rue 89 site d'information et de débat participatif lancé en 2007, dit vouloir se baser sur "l'info à trois voix", mêlant au même niveau contributions de journalistes, d'experts et d'internautes. En 2008, Mediapart se créé, s'affichant à son tour comme un site "participatif". Dans la pratique, le site s'affiche avec deux entrées : Le Journal tenu par les journalistes professionnels de la rédaction et Le Club animé par les internautes abonnés.
Louable effort.

Un nouveau modèle, tu te chercheras


Mais dans les faits, pas sûr que les journalistes du web soient vraiment disposés à laisser leur place et à se placer en unique arbitre. Pour preuve, un des fondateurs de Rue 89, Michel Lévy-Provençal, se retire du capital en 2008, créant, au passage, une petite polémique sur le journalisme participatif. "L'idée fondatrice du projet, "l'Info à trois voix" -la voix des experts, des internautes et des journalistes- n'est aujourd'hui qu'une caution, un slogan vide de sens", explique-t-il dans une tribune.
"Nous voulions mettre les blogueurs et les internautes au coeur du projet.(…) Il m'a semblé dès le début que mes camarades journalistes tombaient dans les anciens pièges, cédaient à leurs vieux réflexes". Terminé le lieu de "débat libre, constructif, intelligent, un espace ouvert", retour aux blogs de journalistes, aux articles de journalistes et aux éditos de journalistes. L'idée a fait long feu, pour lui.
Mais, l'idée d'un journalisme "dépollueur" émerge cependant, dont le rôle est d'accompagner les internautes, de contrôler la naissance et la propagation des buzz sur internet, de vérifier et certifier les informations qui circule.

Bientôt un journal sans journalistes apparaîtra


Trêve de bavardages, l'avenir est peut être à celui d'une information sans journalistes. A la Northwest University, dans l'Illinois, étudiants et professeurs travaillent à la mise en place d'un journal sans journalistes. Grâce à un programme, des informations personnalises sont glanées sur internet, associées à des images, des vidéos et un texte, et présentées par un avatar numérique…

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Sibylle Laurent

2000-2010 : l'ère de l'information en temps réel


La décennie passée est définitivement celle de l'accès pour tous à une information mondialisée, de plus en plus rapide. Les performances d'Internet sans cesse améliorées, le web 2.0, les blogs, Facebook, Twitter, l'internet mobile et l'IPhone… expliquent ce phénomène. Retour sur 10 ans de course à l'information.


Il faut aller vite, toujours plus vite. Tout savoir tout de suite sur tout. A l'heure du haut débit, de Twitter et de l'iPhone, ne pas avoir à la minute les derniers rebondissements de l'attentat au Pakistan ou la énième bourde d'un ministre du gouvernement parait incongru. En 10 ans, beaucoup de choses ont changé : les évolutions technologiques (haut-débit, wifi, internet mobile) ont permis à tous un meilleur accès à internet; ces évolutions se sont répercutées sur les habitudes du lecteur; les journalistes ont dû également s'adapter à évolution et repenser leur rôle. Retour sur une info à trois voix et décorticage de chacune d'entre elles.
Sur ces dix dernières années, les avancées d'internet et du temps réel se lisent surtout à travers les grands évènements internationaux et la réactivité de plus en plus grande dont fait preuve le réseau.

Les débuts de l'information mondialisée


- 11 septembre 2001, l'effondrement des tours du World Trade Center
Les débuts des sites d'information sont un rien cafouillants. On pourrait croire que la date, historique, de l'effondrement des tours jumelles consacre l'avènement des sites d'informations sur internet comme première source d'information des lecteurs, avides d'informations réactives. Or, il n'en est rien. Ce jour-là, ce sont les journaux et la presse audiovisuelle qui battent des records d'audience. Les sites internet, eux, ne sont pas à la hauteur de cet évènement planétaire. Leurs premières limites sont d'abord des limites techniques. En effet, beaucoup sont en panne, "plantés" face au trop grand nombre de connexions. Les autres offrent une ou deux pages, un article et quelques photos… Trop de réflexes de journalistes-papiers, pas assez de réactivité… piètre bilan. Mais il y a une attente du public, les éditeurs en ont conscience. Manquent, encore, les moyens techniques.

- 11 mars 2004, les attentats de Madrid dans des trains de banlieue
C'est la période de rodage. A cette occasion, la plupart des sites internet battent des records d'audience, surtout en Europe. Le trafic est devenu fluide, les journalistes mettent en ligne des contenus qui leur sont propres : cartes, animations dynamiques, graphiques, forums, tchats, qui remplacent les seuls textes et photos. Les sites espagnols El Pais et El Mundo proposent très rapidement des animations, reprises partout dans le monde. Les sites sont à présent suffisemment équipés et rodés pour rivaliser avec les éditions papier et télévisuelles.

- Les attentats dans les transports londoniens le 7 juillet 2005 marquent en quelque sorte la consécration des sites d'information comme médias à part entière, fournisseurs de contenu et non plus simples relais.
Les internautes anglais, américains et madrilènes se ruent sur le réseau. "Internet assume là toutes les attentes : la puissance intéressée des Etats-Unis, l'émotion de la capitale qui a été la cible précédente et le besoin d'information locale", écrivent Bruno Patino et Eric Fottorino dans Une presse sans Gutenberg. Non seulement le trafic est intense sur le réseau, transportant un contenu diversifié, mais une frontière tombe : celle du journaliste et de son audience. En effet, sur les lieux de l'attentat, les témoins ont dégainé leurs portables, et envoient photos et messages grâce à leurs écrans et leurs claviers. Quelques minutes après l'explosion, la BBC reçoit déjà des images du public, en a 50 en une heure. En 24 heures, 20.000 mails, plus de 1000 photos, et 20 vidéos utilisables sont envoyés. Télévisions et quotidiens reprennent ces contenus. Internet devient "à la fois contenu, canal de diffusion, centre d'archives mis à jour en continu et lieu de débats", poursuivent les deux auteurs.


Le poids politique du média Internet


Désormais, l'information circule donc beaucoup plus vite avec la toile. La diffusion des idées ne passe plus nécessairement par les médias traditionnels. L'apparition et la multiplication des blogs, les sites de "journalisme citoyen", permettent à chacun de donner son avis. Les médias ne font plus l’agenda de l’information seuls, mais doivent en partager le rythme avec "la communauté des internautes". Le réseau devient un contre-pouvoir, jusqu'à bouleverser les campagnes politiques.

- 29 mai 2005, référendum français sur la constitution européenne.
Alors que la plupart des journaux papiers militent ouvertement pour le "Oui", le résultat est inattendu : 54,68 % des électeurs votent "non". Et Internet a joué un rôle important dans cette campagne contre le traité. Avec 28 millions d'internautes en France, la toile peut en effet faire pencher la balance. L'Humanité rappelle qu'un enseignant, Etienne Chouard, proposait un texte argumentatif critiquant le projet de constitution européenne. A raison de 30.000 consultations par jour, peu de temps avant que le million d'internautes ne soit atteint.

- En 2007, Internet joue également un rôle dans la campagne pour la présidence française de Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Les candidats sont obligés de se conformer à l'accélération du temps médiatique. Ils doivent, eux aussi, aller de plus en plus vite. Et pour essayer de contrôler l'information sur la toile, créent leur propre site. C'est www.desirsdavenir.org pour Ségolène Royal, www.sarkozy.fr ou encore www.bayrou.fr.


Vers l'info-Buzz


Internet, c'est aussi, croit-on, le règne de la transparence. Off, petites phrases, rumeurs, rien n'est interdit sur internet. Plusieurs affaires sortent sur la toile, s'enveniment facilement en polémiques, ou en règlements de compte. Les sites de vidéos en ligne, Youtube et Dailymotion, cartonnent et offrent une nouvelle dimension à l'information citoyenne.

- La campagne présidentielle américaine de novembre 2008
Internet n'a jamais autant été utilisée pour propager les idées – et les coups bas - que pendant la campagne qui a opposé Barack Obama à John McCain. Des vidéos suggestives comme Obama Girl et les clips embarrassants du révérend Wright sont relayés sur internet. De même que les petites phrases et les rumeurs assassines : John McCain ironise sur Barack Obama, "la plus grande célébrité du monde", et le compare à Britney Spears et à Paris Hilton dans un clip de campagne, le site de la chaîne Fox news évoque des rumeurs affirmant que Barack Obama est musulman, Hillary Clinton qui se souvient avec émotion de sa visite en Bosnie-Herzégovine sous les bombes fait l'objet de pastiches sur internet. Obama va jusqu'à créer un site fightthesmears.com, "combattre les salissures", pour démonter les rumeurs qui circulent sur internet.

- Car Internet inaugure l'ère du buzz. N'importe quelle information, surtout si elle est dérangeante et non destinée à une diffusion publique, peut circuler longtemps sur la toile et connaître un petit succès médiatique. Et impossible de l'arrêter ou même de la freiner sur ce réseau organisé en "grappes", décentralisé. Au contraire même, qu'un médi de masse comme TF1 ignore un tel buzz contribue au final à accroître sa propagation.
En France, citons quelques inoubliables : Alain Duhamel qui confesse son vote bayrouiste ; Ségolène Royal qui confesse son mépris pour le travail des professeurs ; Nicolas Sarkozy et son désormais célèbre "Casse-toi pauvre con" ; Patrick Devedjian qui traite Anne-Marie Comparini de "salope". Toutes ces vidéos ont une trajectoire semblable : elles sont postées en ligne, y circulent, avant qu'un journaliste ne les fasse passer de l'espace numérique à l'espace médiatique.

- Septembre 2009, Brice Hortefeux et les Auvergnats
Les vidéos polémiques s'enchaînent et les buzz se ressemblent. Un tournant est néanmoins à noter, estime Nicolas Vanbremeersch de Slate.fr, avec la vidéo de Brice Hortefeux. Celle-ci, en effet, n'a circulé nulle part sur le réseau avant d'apparaître en une du Monde.fr . Quelques heures et un emballement sur le site de micro-blogging Twitter, elle fait la une des chaînes télés. Parce que le déferlement a été plus rapide que tous les précédents, parce que le sujet – le racisme – est sensible, la réaction politique est également très violente. Au lieu de la molle condamnation habituelle des politiques, tous les hommes publics s'élèvent unanimement et les appels à la démission se multiplient.

2007-2009 : twitter, l'info en live


La révolution twitter, c'est la révolution dans le traitement rapide de l'information par les médias. Encore plus réactifs que les sites d'information, le site de miccro-blogging twitter. Twitter, né en 2007 aux Etats-Unis et découvert un peu plus tard en France, marque l'émergence d'une nouvelle dimension de l'information sur le web. Benoît Raphaël, rédacteur en chef du site participatif Le Post le définit comme suit : twitter, c'est "le live, évidemment, mais surtout le live en réseau, forcément participatif, une sorte de wikipedia du live". Avec 40 millions de visiteurs chaque mois, Twitter rend le partage en ligne de plus en plus facile. "Avant, il fallait faire un blog, un site, écrire des notes, aujourd'hui, en mettant à jour son état, on transmet énormément de choses", explique Loïc Le Meur, blogueur renommé.

- Les attentats de Bombai en novembre 2008 montrent l'utilité de ce réseau d'échange : les internautes sur place twittent en temps réels leurs ressentis ou leurs témoignages, les dernières actus, comme ce twitt écrit de l'intérieur même de l'hôtel : "Mumbai terrorists are asking hotel reception for rooms of American citizens and holding them hostage on one floor" ( CNN ). LiveMint.com, site d'un journal économique indien, indique que sur "twitter [pendant les événements] entre 50 et 100 messages par minute étaient chargés et taggés sur des chaînes comme "mumbai", "#mumbai". Idem sur Facebook, où des groups "Mumbai Terror Attacks : I condemn it", ou "In memory of all those who died in the 26th-27th november MUMBAI massacre…" se créent et alignent rapidement le millier de participants. Information, commentaires, tout s'échange en temps réel.
Laurent Suply, journaliste au Figaro qui avait couvert les attentats de Bombay, explique sur son blog que Twitter est devenu indispensable : "Rien, à ma connaissance, ne va sur cette Terre plus vite que Twitter. Ni moi, ni les télés, ni les agences. Moi, je digère, je synthétise, je vérifie, je source, je linke, ça prend un peu de temps. Les télés vont souvent très vite, et leurs infos sont souvent reprises sur Twitter, mais elles n'émettent qu'un message à la fois" se réjouit-il.

- Le jour de la fusillade de Winnenden, le 11 mars 2009, France24 annonce que la chaîne a pu, grâce à Twitter, "trouver un témoin sur place en 52 minutes" (twitterlocal, application pour trouver des témoins rapidement) ; les journalistes twittent en temps réel, comme lors du procès Clearstream.

- Les manifs iraniennes en juin 2009, le tournant

Réactivité extrême, conversation mondiale, twitter montre qu'il est indispensable là où les autres médias montrent leurs limites. En effet, la après sa réélection contestée,le président Mahmoud Ahmadinejad verrouille le régime. Les téléphones portables sont bloqués, Facebook et d'autres réseaux sociaux sont inaccessibles, échanger des SMS est impossible, les cartes de presse sont invalidées pendant 48h, les journalistes sont expulsés. Twitter devient alors une source d'information privilégiée des médias occidentaux. Le New York Times affirme même "l'échec de CNN" : "La révolution ne sera pas télévisée, elle sera twitterisée".

- Décembre 2009. Toujours plus rapide.
Le géant d'internet Google annonce être en train d'améliorer son moteur de recherche pour apporter des réponses "en temps réel", grâce à des résultats croisés avec les sites de socialisation Facebook, MySpace et Twitter. "Les internautes obtiendront des résultats au moment même où ils sont produits", annonce un ingénieur du groupe, Amit Singhal.

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Sibylle Laurent - Nouvelobs.com